Criar uma Loja Virtual Grátis
Kalo Pothi, un village au NĂ©pal regarder en ligne 1280

  • Kalo Pothi – un village au NĂ©pal
  • (Kalo Pothi)
  • NĂ©pal
  • -
  • 2015
  • RĂ©alisation. Min Bahadur Bham
  • ScĂ©nario. Min Bahadur Bham, Abinash Bikram Shah
  • Image. Aziz Zhambakiyev
  • DĂ©cors. Suman Nidhi Sharma
  • Costumes. Nanda Keshar Bham, Tara Khatri
  • Son. Bipin Sthapit
  • Montage. Nimesh Shrestha, Aziz Zhambakiyev
  • Musique. Jason Kunwar
  • Producteur(s). Anna Katchko, Tsering Rhitar Sherpa, Min Bahadur Bham, Debaki Rai, Catherine Dussart, Anup Thapa
  • Production. Shooney Films, Mila Productions, Tandem Production, CDP
  • InterprĂ©tation. Khadka Raj Nepali (Prakash), Sukra Raj Rokaya (Kiran), Jit Bahadur Malla (le père de Prakash), Hansha Khadka (la sĹ“ur de Prakash), Benisha Hamal (la sĹ“ur de Kiran)
  • Distributeur. Les Acacias
  • Date de sortie. 30 dĂ©cembre 2015
  • DurĂ©e. 1h30

Le bruit de la guerre, par Clément Graminiès

Kalo Pothi – un village au Népal

Kalo Pothi

Sur le papier, Kalo Pothi, un village au Népal semble rassembler tous les ingrédients du film world pensé dans le strict objectif de séduire un public occidental en mal d’exotisme cinématographique. le Népal, pays pauvre à l’époustouflante beauté pour garantir le dépaysement, deux enfants pour incarner les personnages principaux afin d’attendrir les adultes, un histoire de poule volée prétexte à quelques péripéties rocambolesques où se côtoient absurde et tragédie, etc. Coproduction allemande, française et suisse, le premier film de Min Bahadur Bham à être distribué par chez nous ne se limite pas pour autant à nous raconter une histoire qui irait chercher sa joliesse dans le pittoresque digne de ses personnages. Dès les premiers plans, on comprend même que le réalisateur ne cherche pas à forcer l’emphase pour les habitants de ce petit village népalais, préférant au naturalisme habituellement de circonstance un décalage qui fixe chaque scène et ses protagonistes dans un décor étrangement atemporel. Cela se traduit par exemple par de multiples mais discrets travellings avant qui amènent subtilement le spectateur à pénétrer chaque scène dont l’arrière-plan semble étrangement figé. Par exemple, lors d’une représentation organisée par de jeunes maoïstes sur la place du village, la mise en scène distingue deux jeunes personnages (un frère et une sœur) qui parlent et bougent au sein d’un groupe d’individus dont le statisme n’a rien de naturel si ce n’est qu’il figure l’incapacité de la communauté villageoise à s’accorder aux bouleversement politiques de l’époque. Et pourtant, loin du bruit de la guerre civile et de la lutte pour le pouvoir qui s’orchestre dans la grande ville et un peu partout dans le pays, c’est bien ce dont il est essentiellement question dans Kalo Pothi, un village au Népal. les conflits qui ont secoué le pays entre 1996 et 2006, allant jusqu’à la mise en place d’un système de castes censé séparer les individus, et qui redétermine désormais les repères des Népalais, forcés de s’accommoder d’une présence militaire permanente.

La quĂŞte inconsciente

C’est dans ce contexte troublé que Prakash et Kiran, deux jeunes amis inséparables en dépit de leur nouvelle différence de castes, se mettent en tête de retrouver une poule qui leur a été volée et dont la production d’œufs est censée assurer le financement de leurs études. Aussi attendrissante soit l’histoire et nobles les intentions (comment ne pas se mettre du côté des enfants lorsqu’on nous dit que le fruit de leurs efforts est censé leur garantir un meilleur accès à l’éducation ?), le réalisateur joue habilement de ce différentiel d’enjeux pour ramener le conflit national et la fragilité du cessez-le-feu à son absurdité tragique la plus totale. Se heurtant continuellement à la mauvaise foi des adultes ou à leur incapacité à s’accorder avec la réalité du pays, Prakash et Kiran opposent l’horizontalité à la verticalité. en effet, ils n’ont pas d’autres choix que de tracer un chemin transversal, à contre-courant de tout ce système en vase clos qui fige chacun dans une lecture monolithique des images. La recherche de cette poule devient alors un leitmotiv dérisoire, la résolution de l’enjeu s’effaçant même progressivement devant l’ampleur de l’arrière-plan qui grignote insidieusement tous les repères. À ce titre, l’une des scènes les plus marquantes reste très certainement celle où les deux enfants, lancés à travers la forêt, sont pris en embuscade lors d’un affrontement armé. afin de ne pas se faire abattre eux aussi comme des lapins, ils se couchent parmi les soldats morts et se badigeonnent le visage du sang des victimes. À ce moment précis, si l’innocence devait être un qualificatif pour parler de l’enfance, celle-ci semble avoir définitivement volé en éclats puisque la mort devient prétexte au (sur)jeu. l’un des enfants révulse d’ailleurs exagérément les yeux comme s’il était l’acteur inexpérimenté d’un film de guerre en train de se jouer et dans lequel on lui aurait demandé de figurer. La quête de cette poule volée, qui ressemblait jusqu’ici à une farce villageoise, prend alors les atours d’une troublante mise en abîme. la petite histoire s’emboîte dans la grande, poreuse et pourtant bien distincte. Il fait peu de doute que c’est justement dans le détail de cette communion, dans cette manière de rendre compte, au simple détour d’un sentier, de l’expérience traumatisante de la vision de la guerre sans pour autant tomber dans l’humanisme béat et de bonne conscience, que Kalo Pothi, un village au Népal tire sa plus belle force.

Envoyer cet article par e-mail